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Sur l'île, pendant ce temps

 

L'île entière est comme en deuil. Le départ des hommes a laissé un grand vide durement ressenti par les femmes, les vieillards et les enfants. Quand le nouveau bateau du courrier accoste, il n'y a presque personne pour l'accueillir. Quelques jeunes garçonnets prennent le temps de se déplacer, alors qu'avant guerre, l'arrivée du courrier était l'attraction de la journée. Les femmes n'y vont pas, sont à la grève pour chercher à manger.

Il n'y a pour ainsi dire pas de nouvelles. Un ou deux télégrammes de la Croix-Rouge deux mois après le départ des hommes et c'est tout. L'île est restée presque 5 années sans renseignements sur ses marins.

 

Et puis, on entend les bottes dans l'île.

 

Début juillet 1940, Sein s'est emplie d'armes, de mines et de soldats allemands. Ceux-ci ont appris très tôt ce qui s'est passé à l'Ile de Sein. Ils n'ont jamais cherché le pourquoi d'un départ aussi massif, nulle part rencontré ailleurs. Ils savent que l'île est gaulliste, depuis son maire jusqu'au dernier d'entre les villageois en passant par son recteur, mais ils ne font rien contre eux. Peut-être ne sont-ils sur l'île que parce qu'ils ont des ordres et ceux-ci ne sont que d'occuper le territoire ; peut-être ont-ils pitié de ses femmes et de ses enfants seuls sur le caillou ; peut-être ont-ils du respect pour l'élan de défense de la patrie qui a soulevé les hommes, et auquel eux-même sont sensibles. Toujours est-il que sur l'Ile de Sein, il n'y aura pas de châtiments ni de représailles sur la population restante, à cause du départ des marins. Cependant, une sévère réglementation est appliquée par les Allemands et imposée aux Îliens, concernant la circulation sur mer et sur Sein. Les conditions de survie deviennent éprouvantes.

  Sénane dans la rue - Archive Thymeur

Et l'île a faim. Tout ce que le rocher peut fournir est exploité à fond, de manière à ce que les mères de familles et les enfants qui sont restés là puissent survivre en attendant le retour des hommes. La vie est rationnée. Le pain, le sucre et le lait manquent cruellement. Ce n'est pas évident pour les mères de famille de nourrir toutes les petites bouches affamées. Heureusement, il y a la cantine de l'école qui donne un peu à manger, et le recteur qui prépare un pâté de berniques qui, à défaut d'être bien consistant, est excellent de goût. Une très belle entraide se met en place. La "Solidarité" n'est pas un vain mot.

 

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Il y a des hommes qui sont démobilisés pour cause de blessures graves. Au lieu de rester tranquillement chez eux, ils sortent et aident les familles de ceux qui sont partis. Il y a une surveillance très stricte de la mer avec une sorte de douane maritime allemande, la "Gast" qui prélève une part importante de la récolte. Malgré cela, quand un bateau rentre de pêche, il y a toujours une part de poissons qui est donnée gratuitement aux familles qui n'ont plus d'homme pour assurer la subsistance. Quand dans une maison, il y a un peu d'abondance, on sait donner aux voisins qui n'ont rien.

 

De faim, certains d'entre les jeunes mènent la vie impossible aux Allemands pour avoir du pain. Ils gueulent et lancent des pierres sur l'Abri du Marin où sont les Allemands. Au début, les soldats les rejettent, mais après, ils leur donnent parfois de la nourriture. Le cuisinier offre souvent du pain et de la soupe et invite même quelques gamins trop maigres à revenir tous les quinze jours pour avoir quelque chose à manger.

 

Comme partout en France, il y a des collaborateurs, rarement des vrais qui croient dans la victoire allemande ; pas mal de faux, pour mieux informer les alliés, mais il y a aussi des résistants, au nez et à la barbe des Allemands. Un jour de pêche, on voit du bateau un avion tomber du côté d'Ouessant. Le patron s'approche du lieu de chute et recueille des aviateurs anglais. Il les ramène à l'île où il les débarque. Ils seront bien cachés. Madame Fouquet a soigné chez elle des Anglais blessés, malgré la menace des soldats allemands. Il y a bien d'autres exemples perdus dans l'humilité du caractère sénan.

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En août 1944, les Allemands sont partis, après avoir fait exploser le phare et le haut du Guéveur. C'est le départ des occupants, départ tant souhaité mais craint aussi car les Sénans ne savent pas les conditions de ce départ. Les soldats ont fait des menaces aux Îliens, et ils savent également que les canons de la Pointe du Raz sont braqués sur leur île. Pourtant, les allemands ne font aucune représaille et partent en abandonnant une partie de leur armement.

Sur l'Ile - Archive Thymeur

L'île est complètement isolée pendant plusieurs semaines. Sur le continent, les Allemands tiennent Douarnenez et surtout  Lézongard qui se trouve à l'entrée du port d'Audierne. Sainte Evette n'a pas de port à l'époque et les bateaux, suivant les marées, sont obligés d'aller jusqu'au centre d'Audierne pour accoster. La radio annonce que les Américains et les Forces Françaises avancent et gagnent du terrain. Mais sans ravitaillement, l'attente est longue, très longue.

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Puis, il y a une rumeur qui enfle sur l'île, informant qu'un bateau est en vue de Douarnenez. Des questions fusent, que vient-il faire, qui est-il ? Les hommes se concertent et prennent la résolution de se défendre coûte que coûte. Si ce sont les Allemands qui veulent revenir, ils ne se laisseront pas faire. Après le départ des soldats ennemis, les Iliens ont trouvé dans les casemates de quoi se défendre : mitrailleuses, fusils, revolvers, ainsi que leurs munitions.

 

Tout est distribué, et du Men Brial jusqu'à la cale, hommes et femmes sont installés avec leurs engins prêts à faire feu suivant un signal convenu à l'avance. Chacun est à son poste et retient son souffle quand l'équipage du bateau fait des signes. Le drapeau français est hissé en haut du mât. La joie éclate, c'est un enfant du pays, Alexis Tanguy, dit Siqui, qui vient ravitailler l'île.

 

La vie sur Sein reprend. Le ravitaillement se fait par Douarnenez. L'île ne fut ravitaillée par Audierne qu'au bout de 9 mois.

 

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